La forêt et ses mystères


La forêt et ses mystèresParticulièrement bien représentée sur les communes de Cheverny et de Cour-Cheverny, la forêt recèle des tré­sors de sensations à qui sait les appré­cier. Attirante et inquiétante à la fois, elle laisse rarement indifférents les gens qui la côtoient. Par ailleurs, elle rend en toute sai­son d’innombrables services, bien souvent insoupçonnés de la population.

La commune de Cheverny possède une zone naturelle et forestière de 2 502 ha recensée au PLU (Plan local d’urbanisme), pour une surface totale de 3 235 ha, ce qui représente un taux de couverture de 77 %. Ceci est très important. Bien évidemment, l’espace boisé, tel qu’on l’entend habituellement, n’est pas de cette contenance. Il convient d’exclure de cette surface : les landes, les friches, les zones incultes, voire même les surfaces en eaux et les alignements d’arbres de moins de vingt mètres de largeur.
Quant à la commune de Cour-Cheverny, pour un territoire de 2 980 ha, sa zone naturelle et fores­tière est de 1 507 ha, soit un taux de 51 %. Là aussi, il convient de ressortir les zones précitées.
Sur nos deux communes, l’ensemble des zones boisées fait partie du domaine privé.
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Futaie claire au printemps
La surface forestière réelle du Loir-et-Cher couvre près de 205 000 ha, soit environ 37 % du département au dernier recensement de l’Inventaire forestier national. Sur l’ensemble de la France, cette moyenne approche les 31 %, soit près du tiers du territoire (hors Guyane).

Les arbres et les hommes
L’arbre, ce végétal dit supérieur, moins par sa taille que par les nombreux services de toutes natures qu’il rend à la société, remplit de multiples fonctions dont certaines sont par­fois insoupçonnées. Elles sont écologiques, économiques, paysagères, récréatives, nour­ricières, et plus encore comme détaillé ci-après. L’arbre, au sein de la forêt, outre sa fonction première de « fabriquer » du bois, ce matériau universel irremplaçable, en assume bien d’autres… On l’utilise pour construire nos maisons, pour fabriquer nos meubles, nos tonneaux et mille autres objets, et comme bois de chauffage. Mais aussi, par le principe de la photosynthèse, la forêt est une formidable usine à dépolluer l’air, en stockant le carbone qu’elle transforme en lignine, contribuant ainsi à fournir sa part d’oxygène à la planète. La forêt sert aussi de refuge privilégié à une faune multiple, qu’elle soit cynégétique ou non, sédentaire ou migratoire, à plumes ou à poils, et lui fournit le gîte et le couvert. La forêt, privée ou publique, permet par son réseau de chemins ruraux et communaux de présenter d’immenses espaces de promenades gra­tuites. On y vient s’y ressourcer, y pratiquer des activités physiques ou de simples prome­nades, que l’on soit rural ou citadin, seul ou accompagné.
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L'ail des ours
Et dans la rubrique souvenirs, que pouvait-on trouver comme meilleur refuge, comme meilleure cache que la forêt, pour les nom­breux réfractaires du STO (Service du travail obligatoire), instauré par l’occupant pendant la Seconde guerre mondiale ? Ces derniers se muaient en bûcherons, en scieurs de long et autres métiers du bois. Ils allaient aussi souvent renforcer les rangs des résistants qui, dès 1942, avaient choisi la forêt comme lieu de rassemblement. C’était le cas, dans la plaine du Colombier, située au coeur de la forêt de Cheverny, où des parachutages d’armes et de diverses fournitures furent orga­nisés en 1944.

Paysagère, de protection et récréative
Que seraient nos campagnes sans ces taches de verdure aux formes diverses, notamment lorsqu’on les regarde vues du ciel et parti­culièrement en montagne où la forêt agré­mente harmonieusement les paysages tout en protégeant de l’érosion les pentes et les sommets exposés. Elle sait cependant laisser sa place aux zones agricoles, aux vignes, aux pâturages, ainsi qu’au monde minéral, dès que l’altitude joue son rôle. La forêt protège et régule, tout d’abord, comme un rempart aux vents dominants que rien n’arrête parfois sur des kilomètres jusqu’au premier massif. Elle constitue un havre de paix que le cycliste apprécie lorsqu’un vent de face freine sa progression. Ensuite, la forêt régule et freine l’écoulement des eaux quand un excès du ciel vient nous inonder et éroder les pentes et les terres mises à nu. Elle est aussi un milieu mystérieux, notamment dans notre Sologne où se cachent de si nombreux châteaux, qu’ils soient connus et visitables, comme Cheverny et Troussay, ou anonymes et cachés sous la frondaison, au milieu de domaines souvent voués à la chasse. Cette activité est privilé­giée en Sologne, notamment dans certaines zones pauvres où bouleaux, trembles, chênes bas branchus, marsaules (1) et pins sylvestres (1) épars ne permettent pas de développer une sylviculture rationnelle. L’activité cynégé­tique y est, dans ce cas, plus rémunératrice et donne la possibilité aux adeptes de la chasse, nombreux en cette partie de Sologne, d’assouvir leur passion. La forêt est aussi une immense cour de récréation. Tout randonneur assidu ou occasionnel sait y découvrir ses chemins ruraux et communaux. Très présents sur nos deux communes, ces kilomètres de voies et d’allées (pas toujours en bon état…) permettent cependant un accès au coeur des massifs. On peut aussi s’y promener en famille, s’y embourber en VTT, y faire une partie de boules, un pique-nique etc. Avec un peu de chance, il est même possible d’y apercevoir une biche ou un sanglier et d’y entendre, fin septembre, bramer le cerf, le seigneur des lieux.

Les couleurs des fleurs et des arbres
La forêt et ses mystèresLa forêt est aussi, à qui sait y regarder de près, un énorme bouquet de fleurs. Dès la fin de l’hiver, et jusqu’au milieu de l’été, les sous-bois et les bocages nous offrent gratuitement, ici des perce-neige et des primevères, là des jonquilles et des pervenches, plus loin, du muguet et des asphodèles (1), ou encore la discrète fleur de l’ail des ours (1) et l’anémone des bois.
Les arbres aussi nous gratifient d’une palette infinie de couleurs. Tout d’abord au printemps, les bourgeons en premier illuminent les houp­piers (2) d’une multitude de couleurs bien diffé­rentes de celles de l’automne. Le vert tendre et luisant du hêtre, qui succède au rouge des bourgeons, le vert jaunâtre des érables, le vert rougeâtre des peupliers, le vert plus foncé du charme, le rouge de certains chênes avant de verdir, le gris des trembles, juste avant l’apparition des chatons. Chez certaines essences, les fleurs apparaisent avant les feuilles. C’est le cas pour le chêne, le frêne, le peuplier, le saule et ses chatons blancs, et l’orme, malheureusement devenu trop rare. Ensuite, à l’automne, la forêt nous offre une féérie de couleurs. Celles-ci vont du jaune d’or de l’érable au rouge sang du merisier, de l’ali­sier et du chêne d’Amérique, du brun verdâtre du chêne commun au jaune orangé du hêtre. Le bouleau y va aussi de son jaune verdâtre de même que le charme. C’est la saison où les amateurs de photos savent capter ces couleurs si fugaces et mettre en valeur cette palette de couleurs par un coucher de soleil au-dessus d’un étang.

La forêt et ses mystèresLes odeurs et les arômes
La forêt est aussi un lieu privilégié pour ceux qui savent utiliser leur odorat. Les odeurs et les arômes sont de nature à inscrire en notre mémoire des lieux et des instants à jamais inoubliables. Toute l’année, la forêt nous gratifie de parfums plus ou moins subtils. Au printemps tout d’abord, le prunelier (ou épine noire) nous offre en même temps ses buissons de fleurs blanches et son odeur assez discrète. Ensuite, vient l’odeur herba­cée des bourgeons qui éclatent et des feuilles nouvelles. Début mai, c’est l’aubépine qui éclabousse les haies et les lisières de gros bouquets d’une blancheur immaculée. Son parfum si caractéristique n’égale pas sa virgi­nale beauté. Plus tard, c’est l’acacia, de son vrai nom « robinier », qui parfume la forêt de ses longues grappes de fleurs couleur blanc-crème aussitôt butinées par les abeilles. Qui n’a pas goûté dans son enfance les fameux beignets de fleurs d’acacia ? Ensuite, le tilleul vient embaumer les parcs et les allées de son parfum envoûtant, auquel vient s’ajouter le joyeux bourdonnement des abeilles friandes de son nectar. Enfin, personnellement, le par­fum que je trouve le plus subtil est celui fourni par le chèvrefeuille ; cette liane grimpante, si gênante pour le forestier, sait se faire par­donner grâce à ses odorantes fleurs. D’autres arbres bien plus discrets nous gratifient de leurs fleurs et de leurs parfums. C’est le cas des fruitiers forestiers comme le merisier, l’ali­sier ou encore le sorbier. Le dernier à fleurir est le châtaignier, qui égaie son houppier de ses longs chatons de couleur blanc jaunâtre vers la fin juin. Les résineux, si présents sur nos deux communes, en peuplements pleins ou disséminés dans les taillis dégagent aussi des odeurs agréables, dès le printemps par leurs fleurs et ensuite par leur résine, notamment lors des chaudes journées d’été. D’autres odeurs caractéristiques émanent de nos forêts, comme après une pluie orageuse, où le sol humide laisse monter ce parfum d’humus rappelant celui des champignons.
La forêt et ses mystères
La forêt nourricière

La forêt et ses mystères
Et les champignons, justement, où pousse­raient-ils sans ces bois et ces bocages solo­gnots ? Tout promeneur des bois saura bien reconnaître l’odeur si attirante de ces plantes discrètes. Le moment venu, le mycologue averti guettera la pousse des lépiotes, des girolles, des cèpes, des trompettes et autres pieds de mouton. Il saura aussi reconnaître à son odeur fétide, le phallus impudicus (satyre puant) repérable de très loin sous le vent. Les champignons, ces plantes sans chlorophylle, sont aussi un mystère total. Apparaissant en quelques heures dès qu’un ensemble de conditions bien précises sont réunies, ils disparaissent aussi rapidement dès que ces dernières sont défaillantes, et parfois pour des années. Outre le plaisir de les ramasser, tout gastronome mycophage sait apprécier, qui une omelette aux girolles, qui une fricassée de cèpes et autres recettes que nous offrent tous ces sous-bois. Il convient de rappeler ici que la plupart de ces forêts sont privées et que tout ce qui pousse sur ces sols appartient à leur propriétaire : il est donc recommandé d’obtenir leur agrément avant de s’y aventurer… On peut aussi parcourir les forêts publiques ou domaniales, en dehors des zones protégées. La forêt offre aussi des fruits. Il faut savoir repérer les châtaigniers qui produisent des bogues de dimensions respectables garantes de fournir de belles châtaignes. Ce fruit a fourni de quoi éviter bien des disettes par le passé, et produit encore de nos jours dans certaines régions de France des fruits et des farines appréciés. L’amateur de fruits forestiers peut également se régaler de la fraise des bois, si parfumée, des mûres, appréciées en confiture et qui nous colorent si bien les dents. Il saura aussi trouver la merise, si prisée des oiseaux, la discrète alise, la sorbe ou corme comestible après un coup de gelée et, encore plus discrète, la nèfle (1). Celle-ci doit passer du vert au marron pour être comestible.
La forêt et ses mystèresLes hôtes des bois, tels cerfs, chevreuils et sangliers bénéficient aussi de la forêt nourricière. Ils savent tous se repaître de glands, de faines (1), de châtaignes et de noisettes, afin d’accumuler quelques graisses pour affronter l’hiver.

Respectons la forêt
Avec tous les services que la forêt rend à l’environnement, presque gratuitement, nous lui devons toute notre attention et plus encore. Bien que la population soit de plus en plus sensibilisée et participe aux gestes citoyens, nous espérons ne plus voir les fossés, les entrées d’allées ou les sous-bois souillés en de trop nombeux endroits par des déchets que certains viennent y déposer sans scrupules. La forêt mérite beaucoup mieux… : aimons-la, respectons-la.

Michel Bourgeois (3)
La forêt et ses mystères
(1) Toutes les plantes citées dans cet article sont présentes sur le territoire de nos communes. Nous apportons ci-des­sous quelques précisions pour certaines d’entre elles :
Marsaule ou marsault : variété de saule plus petit que le saule blanc, aux feuilles ovales, terminées en pointe souvent recourbée, luisantes au-dessus et grisâtres en-dessous, dont l’écorce sert à tanner les peaux et dont le bois sert à faire des échalas. (Wiktionnaire)
Pin sylvestre : en forêt de Cheverny il a souvent été planté au siècle dernier, en remplacement d’anciennes cultures ou prairies.
Asphodèle : plante vivace appartenant à la famille des Liliacées (comme la jacinthe, la tulipe, le muguet, …) (Wikipédia).
Ail des ours ou ail sauvage : très présente dans les sous-bois, elle présente une odeur caractéristique lorsqu’on froisse sa feuille.
Alise, sorbe, corme, nèfle : fruits de l’alisier, du cormier, du sorbier, du néflier.
Faine : la faîne ou faine est le fruit du hêtre (Wikipédia).
(2) Houppier : ensemble des ramifications portées par la tige d’un arbre au-dessus du fût (Larousse).
(3) Michel Bourgeois sait de quoi il parle : il est né et a vécu dans la forêt de Cheverny, à la maison forestière de la Tesserie aujourd’hui disparue, puis à la ferme de la Morelière. Sa carrière professionnelle l’a ensuite amené à gérer plusieurs forêts privées dans le Cher et le Loiret pendant 35 ans.

Source des photos :
- Asphodèle et Saule Marsault : Wikipédia.
- Alise :Blog de NatureAlpha.
- Faine : Wiktionnaire.
La forêt et ses mystères

La Grenouille n°47 - Juin 2020

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