La Grenouille n°53 - Octobre 2021
L’automne
La Grenouille : Comment s’est passé l’été ? vous êtes partis en vacances ?
M. Blaireau : Non, nous sommes assez casaniers. Nous avions pensé partir vers le nord pour trouver plus de fraîcheur suite aux étés caniculaires que nous avions eus les années précédentes. Les périodes chaudes ne sont pas particulièrement propices à la sortie de notre repas favori, les vers de terre. Mais quand nous voyons le nombre de nos congénères gésir sur les bords de route, le risque de prendre la route est trop grand et nous risquerions d’y laisser nous aussi notre vie. Avec cet été exceptionnellement humide, nous avons revu nos projets de vacances et nous sommes donc restés ici, à Cour-Cheverny.
La Grenouille : J’ai l’impression que votre environnement a
changé ?
M. Blaireau : Ce n’est pas qu’une impression. Le chêne
surplombant nos entrées de terriers et nos toboggans est tombé. Par chance,
celui-ci n’a touché que des entrées secondaires. Il n’y a pas eu d’incidence
sur les galeries et les entrées principales. Ce vieux chêne avait accompagné
notre existence. Sa ramure anormalement courbée tel un parasol nous faisait de
l’ombre. Nous appréciions de nous blottir dans le creux de ses bras. Cette
existence fragile nous ramène à la fébrilité de notre propre existence, de la
nature et de cet équilibre toujours remis en question.
La Grenouille : Nous arrivons au terme de notre quatrième
saison.
M. Blaireau : Suzette, Souris et Sournois, nos 3 petits
blaireautins ont bien grandi. Après 6 mois de sevrage, ils sont prêts à prendre
leur « envol », enfin, à quitter le terrier. La couleur grise de leur pelage
naissant s’est nuancée et les dessins noirs et blancs caractéristiques de notre
espèce se sont affirmés. Toutes les dents de lait ont laissé leurs places aux
34 dents définitives. Même s’ils sont à présent indépendants, en fonction de la
météo, ils passeront peut-être leur premier hiver à la maison.
La Grenouille espère avoir le plaisir de recroiser un jour M. Blaireau.
P. R.
La Grenouille n°52 - Juillet 2021 :
L’été
L’été venu, La Grenouille retrouve M.
Blaireau
M. Blaireau :
« Cette année, la météo nous a bien gâtés. Nous commencions à nous inquiéter avec un début de printemps très sec, presque estival, car pour trouver notamment des vers de terre et des limaces, ce n’est pas chose facile. Puis, comme vous le savez déjà, sont arrivés nos 3 petits blaireautins. Pendant douze semaines, Madame a allaité les jeunes. Après huit semaines dans le terrier, les plus intrépides commençaient déjà à sortir. Les giboulées de mars tombées au mois de mai tombaient à pic. La végétation foisonnante, les insectes, les coléoptères et autres gastéropodes sortis en nombre étaient au rendez-vous pour parfaire l’apprentissage et l’indépendance des ados. La rigueur de l’éducation se transforme vite en jeu, roulades et sauts. Ils ne sont pas prêts de partir de la maison… Nous aurons l’occasion d’aborder ce sujet la prochaine fois que nous nous verrons.Ce cadre idyllique me ramène vite à la réalité, sur mes gardes, soucieux que notre appétit ne nous conduise pas à détériorer les espaces naturels ou cultivés environnants, de peur d’attiser la colère de certains amoureux de la nature.
Je me souviens que des amis avaient été accusés pour un tel motif et leur terrier perquisitionné.
Cela me fait penser que, depuis ce jour, nous ne les avons pas revus. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus… ».
Interview exclusive : « La Grenouille » a rencontré un habitant de la commune de Cour-Cheverny qu’elle ne connaissait pas encore : M. Blaireau. Écoutons ce qu’il a à nous dire :
« Bonjour à toutes et à tous. Ma femme et moi résidons à Cour- Cheverny depuis 5 ans. Nous possédons une belle résidence, toute proche du Beuvron, composée de plusieurs entrées. Les plus anciennes ont été creusées par nos aïeux. Elles servent maintenant de refuge pour nos camarades renards et lapins. Nous avons un modeste jardin de 40 ou 50 hectares, je ne sais plus trop ».
La Grenouille : « Comment vivez-vous la
situation en ce moment ? ».
M. Blaireau : « Nous avons eu beaucoup
de mal à nous adapter au couvre-feu car nous sommes actifs, principalement la
nuit et au crépuscule. Madame dit que j’ai pris quelques kilos, mais pendant la
période automnale, j’ai toujours tendance à prendre un peu de poids pour passer
l’hiver. Avec le froid, nous allons rester davantage à la maison, au fond de
nos galeries longues de 15 mètres, bien au chaud. Nous nous consolons en nous disant
que d’ici là, nous serons déconfinés (et j’aurai retrouvé ma taille de guêpe) ».
P. R.
![]() |
Photo : Florian Deblaise |
La Grenouille n°50 - Janvier 2021
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de nous donner votre avis sur cet article, de nous transmettre un complément d'information ou de nous suggérer une correction à y apporter