Cette ancienne cressonnière, classée petit patrimoine remarquable, est située à Cheverny, au sud-ouest du domaine du Portail, à proximité du chemin qui relie l’impasse de la Tibourdière au chemin de Poëly, à peu près à mi-chemin entre le domaine de la Tibourdière et la ferme de Poëly.
L’ouvrage est situé sur
une petite parcelle de 290 m2, qui faisait auparavant partie du domaine de la
Tibourdière et que la commune a acquise fin 2018.

Un petit ouvrage digne
d’intérêt
C’est un bassin de 2
m de large, 6 m de long et 60 cm de profondeur, construit en pierres de taille.
L’eau y circule en permanence sur une hauteur de 20 cm, ou plus si l’on obture
la sortie de l’eau avec une vanne qu’on peut glisser dans des rainures prévues à
cet effet.
La restauration de ce
petit ouvrage a fait l’objet d’un « chantier partage », dans le cadre d’un
partenariat entre la mairie de Cheverny et l’association Maisons paysannes de
France, le samedi 6 juillet dernier : débroussaillage et dégagement de
l’ouvrage et de ses abords, création d’un accès piétonnier et d’un sentier longeant
la cressonnière, le tout réalisé par quelques bénévoles.
La Tibourdière : nom
d’origine incertaine…
Le lieudit est indiqué «
La Thybandière » sur la carte de Cassini (1756-1815) mais Denis Jeanson (2),
dans son dictionnaire de la toponymie en région Centre, nous indique qu’il s’agit
d’une erreur de gravure, et référence le lieudit sous le nom de « La
Thibaudière ». En fait, le lieudit est indiqué sous le nom de Thibordière sur
plusieurs documents de recensement du début du XVIIIe siècle, de Thibourdière
sur des documents cadastraux et sur des actes notariés, et de Tibourdière sur les
plans du cadastre de 1813 et 1849, ainsi que sur les cartes actuelles. On
trouve différentes origines étymologiques à ces noms, mais peu précises, et
nous choisirons de n’en retenir aucune afin de ne pas nous tromper…

On devine presque la
cressonnière sur les plans cadastraux, mais datation difficile…
Nos recherches dans les
documents d’archives ne nous ont pas permis de trouver la trace formelle de
l’existence de cette cressonnière dans le passé, ni de dater sa construction.
La toute petite parcelle
sur laquelle se situe cet ouvrage est référencée sous le n° 321 sur le cadastre
de 1813 pour une surface de deux ares et 20 centiares puis sous le n° 122 sur
celui de 1849 et semble avoir toujours fait partie du domaine de la
Tibourdière. Cette très petite surface peut laisser penser que cette parcelle
était associée à la cressonnière ou inversement.
Le plan de 1849 indique
également à cet endroit une fontaine (en fait, une source), sans la nommer. Un
petit canal est représenté, joignant l’emplacement de la cressonnière au
ruisseau venant des Ruaux (et plus loin de Chitenay) au point bas du chemin qui
mène à Poëly. Ce ruisseau se jette ensuite un peu plus loin dans le Courpin,
qui passe près du lavoir. Sans pouvoir l’affirmer, on peut supposer que ce
canal est en rapport avec la fontaine et la cressonnière, qui pourrait donc dater
du début du XIXe siècle ou peut-être d’avant. Dans le même secteur, figurent
sur les plans de petits étangs dont on trouve encore la trace aujourd’hui.

…mais un peu de concret
tout de même
Un peu dans le flou, nous
avons enquêté sur le terrain pour trouver des indices… Et c’est Thierry
Dufraisse, agriculteur à la ferme de Poëly, qui nous a renseignés… La source a un
débit régulier et ne s’est jamais tarie. Dans les années 70, Thierry a
régulièrement bu l’eau de la source qui était très bonne, toujours à une
température de 10 ou 12 degrés et il a eu l’occasion de goûter le cresson que
l’exploitant de la cressonnière apportait de temps en temps à la ferme. Il se
souvient qu’il y avait deux sortes de cresson, celui à feuilles rondes, très
apprécié, et celui à feuilles pointues, qu’on appelait « le faux cresson »,
moins goûteux… Vu la dimension de la cressonnière, il s’agissait sans doute
d’une culture destinée à la consommation de la famille et des amis…
Nous avons également
appris qu’il existait une autre cressonnière dans ce secteur de la commune,
mais dont l’emplacement exact restera secret…

Le cresson, plante
aquatique, toute une histoire (3)…
On retrouve la trace du
cresson dans des temps très anciens, puisque les Romains en mangeaient de
grandes quantités, notamment parce qu’ils croyaient qu’il pouvait prévenir la
calvitie et stimuler l’activité de l’esprit. Quant aux Grecs, ils affirmaient
que le cresson pouvait « redonner raison aux esprits dérangés » et atténuer les
effets de l’ivresse, d’où son emploi général dans les banquets. Au Moyen âge,
il était employé comme dépuratif et dans les affections pulmonaires.

Cresson de fontaine ?
Sans pouvoir le garantir,
on peut supposer que la plante cultivée à la Tibourdière était le « Cresson de
fontaine ». Le Larousse agricole - Édition 1921 (4) nous donne quelques
précisions à son sujet… « Plante vivace, indigène, croissant dans les ruisseaux
; les tiges couchées présentent des racines blanches sur toute leur longueur ;
les feuilles sont alternes, composées, imparipennées …/… ; les fruits sont de
petites siliques contenant des graines rougeâtres, d’une extrême petitesse.
L’eau de source, aussi pure que possible, est celle que l’on doit rechercher ;
elle seule fournit un cresson de bonne qualité ; de plus, grâce à sa
température constante, elle ne gèle pas en hiver et permet la production
hivernale du cresson qui est la plus avantageuse. Les fosses ou cressonnières
ont généralement 2,50 m à 3 mètres de largeur et 0,50 m à 0,60 m de profondeur
». Ce qui correspond aux dimensions de la cressonnière de La Tibourdière, tout
comme la hauteur d’eau de 20 à 25 cm qui est préconisée pour cette culture.
Dans l’ouvrage « Flore du
Loir-et-Cher » publié en 1885 par Adrien Franchet (5), une autre variété de
cresson est évoquée : « On cultive assez fréquemment le Lepidium sativum, sous
le nom de Cresson alénois ; il se trouve quelquefois subspontané dans le voisinage
des habitations, ou même dans les champs – les Montils, champs de l’Hermitage
».
Origine de propriété
(6)
Au XIXe siècle, la
Closerie de la Thibordière (écrit ainsi dans des actes notariés) appartenait à
Nicolas Barthélémy Selleron, qui l’avait hérité de son père en 1801 et la
revendra en 1845 à François Martinet.
Plusieurs propriétaires se
sont ensuite succédés jusqu’à la période actuelle. Parmi eux, nous évoquerons
Pierre Mauger qui deviendra propriétaire en 1921, et son fils Robert qui en
héritera en 1951. Pierre Mauger-Violleau est un homme politique français né en
1867 à Bracieux et décédé en 1924 à Cheverny. Horloger à Contres, il est
conseiller municipal en 1912 et maire de Contres en 1919. Il est également
conseiller d’arrondissement et député de Loir-et-Cher de mai à novembre 1924,
inscrit au groupe Républicain-socialiste. Son fils, Robert Georges Maugé
(1891-1958) lui succédera comme horloger bijoutier à Contres. Il fut maire de
Contres de 1925 à 1941 et en 1944-1945, conseiller général durant trois
mandats, député du Loir-et-Cher de 1932 à 1942 et de 1945 à1946 et président du
comité départemental de Libération (7).
Etienne Durth, représentant à Cour-Cheverny de l’association Maisons Paysannes de France (1), nous précise le rôle de l’association dans ce projet.
E. D. : « Avec notre association Maisons Paysannes de Loir-et-Cher (association locale représentant Maisons Paysannes de France), nous cherchions à nous faire connaître auprès des élus locaux afin de leur faire partager notre expertise concernant la valorisation et la restauration du bâti ancien. Nous avons donc rencontré Mme Gallard, maire de Cheverny, qui a apprécié l’objet et les missions de notre association. D’un commun accord nous avons défini un cadre et une feuille de route afin de faire profiter les habitants de Cheverny et des alentours de la richesse de notre patrimoine ».
La Grenouille : En quoi consiste ce projet ?
E. D. : « Le projet de valorisation de la Cressonnière consiste à rendre ce lieu accessible tout en respectant l’écosystème qui s’est créé autour de lui. Nous avons donc dégagé l’ouvrage des broussailles, nettoyé les pierres, réalisé un chemin d’accès entrant et sortant en le délimitant par des haies mortes.
Il est également prévu de créer un chemin pédestre sensibilisant au bâti rural et au patrimoine vernaculaire passant par le bassin de pisciculture, le lavoir et la cressonnière Nous proposerons également un chantier initiation «limousinerie», maçonnerie ancienne en chaux/sable sur un mur d’enceinte en pierres au second trimestre 2025 ».
La Grenouille : Quel est le rôle de Maisons Paysannes de France dans ce type projet ?
E. D. : « L’aménagement paysager est une des missions, certes moins connue, de l’association Maisons paysannes de Loir-et-Cher qui organise déjà des chantiers de partage ; nous avons donc apporté notre expérience dans le déroulé d’une journée de travail collectif, avec le prêt du matériel et en veillant à la sécurité des participants. J’adresse un grand merci aux bénévoles qui ont donné de leur temps pour participer à la journée de chantier participatif de la cressonnière de Cheverny ».
Si vous avez des questions à poser, envie de participer à des actions ou vous former à des techniques de construction en lien avec la restauration du bâti ancien, n’hésitez pas à prendre contact avec les délégués locaux : Christine Delas Thiaville (Tél. 06 64 72 67 18) ou Etienne Durth (Tél. 06 89 39 04 29).
P. L.
(1) Voir aussi La
Grenouille n°62 – page 12 : « Restaurer sereinement » et sur notre blog -
Rubrique « Nos associations » : Maisons paysannes du Loir-et-Cher.
(2) www.denisjeanson.fr
(3) Source :
www.cressonniere-sainte-anne.fr/
(4)
www.biblio.rsp.free.fr/LA
(5) Voir le livre «Les
grandes heures de Cheverny et Cour-Cheverny en Loir-et- Cher et nos petites
histoires». Éditions Oxygène Cheverny - 2018 - page 55 : « Le florilège de Jean
Mosnier au château de Cheverny ».
(6) Source : Archives
départementales du Loir-et-Cher.
(7) Source : Le Maitron
- www.maitron.fr
La Grenouille n°65 – Octobre
2024
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